C'est quand même une valeur qu'on regarde tous les matins, juste après la température : Je pense qu'il est temps que je vous fasse un point sur la pollution.
Et puis parce que ça vous touche maintenant, à Paris, dans une moindre mesure.
Tout d'abord, qu'est-ce qu'on mesure ? On mesure les particules en suspension dans l'air. Il y a celles de plus de 10 microns PM10, et celles de plus de 2.5 microns PM2.5. En France, on vous infantilise. C'est-à-dire qu'au lieu de vous donner le taux brut, genre 60 µg/m3 de PM2.5, on a défini des échelles sur 10, en vous disant : "Attention, 5 sur 10 demain à Paris." Sauf que si on avait fait pareil en Chine, en janvier 2013 on aurait eu 35 sur 10. Va comprendre l'intérêt.
Les PM10 sont celles qui font cracher et qui encombrent les poils du nez. Les PM2.5 incluent celles qui descendent dans les poumons.
En 2009, la Chine ne mesurait que le PM10, et l'ambassade des USA de Pékin a installé un capteur de PM2.5 sur son toit, avec l'immense toupet de diffuser les résultats sur sa page internet. Après avoir nié pendant deux ans, le gouvernement de Pékin a fini par prendre le taureau par les cornes, publie ses propres résultats de PM2.5 et cesse de minimiser l'ampleur du désastre. Cette politique s'inscrit dans une plus grande transparence vis à vis de l'environnement, on peut citer par exemple la reconnaissance officielle de l'expression "Villages du cancer".
On trouve maintenant des applis iPhone à foison, et la population chinoise elle-même en fait plus semblant que ça ne la concerne pas.
Notez d'ailleurs qu'il serait stupide de le nier, il suffit d'ouvrir les yeux. Quand la ville est noyée sous le gris et que ça se voit même par les images satellites...
C'est les Coréens qui en profitent !
Le premier pic qui nous a fait changer de regard date de Janvier 2013, la veille de la naissance de Gabriel. Le taux de PM2.5 est monté à 850, mais depuis Harbin a dépassé les 1000, et même Lhasa est montée à plus de 500 malgré son altitude, ce qui a fait dire aux esprits cyniques : "Ca y est, le Tibet est complètement devenu Chinois".
Vous noterez que l'Inde est dans le même cas depuis plus de 10 ans, et qu’on peut commencer à voir des effets sur les enfants (mais c’est l’Inde, il y a tellement de paramètres que toute étude est sujette à caution).
Pour lutter contre la pollution, il y a trois fronts : le premier c'est la protection individuelle. Nous avons acheté un purificateur d'air, c'est-à-dire un filtre avec un petit aspirateur qui fait passer l'air de la pièce et fini par l'assainir. On peut espérer diminuer par 2 le taux de particules dans une pièce avec un purificateur Blueair.
En écoutant les infos d'Airparif, nous avons décidé de le ramener en France.
L'école française a équipé toutes ses pièces d'un purificateur, et nos enfants ne jouent pas dans la cour les jours de pic de pollution.
Pour l'extérieur, nous mettons des masques sur nos nez. Il fallait bien faire un choix, nous estimons qu'au-delà de 300 il faut le mettre. Il n'en existe pas d'assez petit pour Gabriel, alors il sort aussi peu que possible de la maison ces jours-là. Louise et Laure ont un masque avec filtres remplaçables, et moi un large filtre. Notez bien que ce filtre ne supprime pas totalement le danger. D'abord, il y a des fuites (environ 80% d'efficacité), et puis il n'arrête que 95% des particules PM0.3. C'est quand même un premier rempart. (Par contre, pour les grippes HxNy, c'est des nanovirus. Le seul intérêt est d'éviter d'éternuer trop loin.)
Le deuxième front pour lutter contre la pollution, c'est d'agir contre la source de pollution. En janvier 2013, le premier décret pour lutter contre la pollution fut d'interdire les barbecues ! (heureusement qu'il y en a eu d'autres)
Sachant que la pollution vient à 70% des industries, mettre en place une circulation limitée 1 jour sur 5 n'agit que sur 6% du total. Mais bon, le diesel produisant les particules les plus fines, ça change le ratio des petites est grosses particules. En quelque sorte ça améliore la qualité de la pollution.
En revanche les contrôles dans les usines sont efficaces, entre les chaudières illégales, les filtres de cheminées oubliés... Sans oublier les autres rejets plus ou moins sauvages qu'on découvre en faisant ces visites et les "conseils" des autorités pour diminuer les consommations.
Dans notre usine, nous avons acheté une chaudière à gaz. Ca double notre coût d'énergie, mais je pourrais garder de mes années en Chine l'impression d'avoir réalisé une action positive à long terme pour la Chine et le reste du monde.
Enfin, la troisième façon de lutter contre la pollution est de la disperser. Observez sur cette courbe l'effet positif de la pluie sur le PM2.5.
Ca donne envie de faire pleuvoir à la demande. C'est d'ailleurs le cas, en pulvérisant des particules d'iodure d'argent dans les nuages à l'aide de roquettes, on peut lester les gouttelettes d'eau et faire pleuvoir (ou neiger). Mais ça ne suffit pas s'il n'y a pas de nuage d'eau. Après avoir tenté de trouver des aspirateurs à pollution, voir ce lien, Pékin tente de faire tomber les particules grâce à une technologie voisine de celle pour les nuages d'eau voir ce lien.
Dans tous les cas, ce ne sont pas des solutions viables, ça va déplacer le problème du ciel vers les eaux, mais ça c'est un autre problème dont je vous ai déjà un peu parlé.
EDIT DU 31 MARS.
Je ne voulais pas y revenir, mais quand on tombe sur des trucs aussi cyniques que :
"Riz garanti sans pollution", ça mérite le clin d’œil.
J'en profite pour vous montrer à quoi ressemble un matin à 450 en attendant le bus scolaire.
