Le blog de laurebertrand

Merci Mickael Kael pour ce titre tellement plein de poésie.

Alors voilà, chers lecteurs, nous quittons la Chine dans moins d'un mois. Je ferme les portes de ce blog après ce post et les commentaires dans 5 jours pour nous laisser le temps de faire la mise en page et d'imprimer.

J'aurai encore des centaines d'articles à vous écrire. Je crois que si nous restions 10 ans de plus, je pourrais sans jamais me lasser trouver quelque chose de nouveau à vous raconter une fois tous les 4-5 jours, par exemple je pourrais vous raconter à quel point c'est pratique les protections des manteaux sur les dossiers de siège dans les resto, les photos sur les menus, les cures-dents sur les tables, et je pourrais aussi vous dire que mettre des minuteurs aux feux-rouges c'est génial, mais des passages piétons (sans feux) sur les autoroutes, c'est vraiment une erreur, et je pourrais vous montrer une photo à chaque fois parce que des fois, on pourrait croire que j'invente. Je pourrais vous montrer des styles vestimentaires improbables, avec des chaussures oranges en forme de baskets à talon avec un pompon à l'avant. Je pourrais vous montrer des culs nus d'enfants qui ont le pantalon fendu, avec ou sans couche en-dessous. Je pourrais mettre des photos de 4x4 avec une pelle à l'arrière en plein Pékin pour si on s'ensable. Je pourrais vous faire entendre une chanteuse d'opéra qui dépasse les 90 décibels, je pourrais vous mettre une photo d'un gars qui fume dans un restaurant au choix : sous le panneau interdit de fumer ou dans sa cuisine. Et puis je pourrais vous faire des keskecé, par exemple un bol de sago (mince, je viens de donner la réponse). Je pourrais trouver des chinglish ou des traductions bizarres (oups, un tricycle Fuke). Je pourrais aussi vous montrer des photos de nos enfants qui grandissent. Je pourrais vous montrer des banderoles qui disent "la contrefaçon c'est pas bien" au-dessus d'une fausse boutique Ralph Loren, et je pourrais vous raconter l'histoire des procès entre Lacoste et Cliocodle, entre Wahaha et Danone...
Je pourrais vous faire des articles lénifiants sur le bouddhisme ou sur le mobilier chinois, je pourrais vous raconter nos vacances au Tibet, et je pense que j'aurais beaucoup beaucoup mais alors beaucoup de choses à vous raconter sur le Tibet...
Je pourrais même vous faire des poèmes, certains d'entre vous apprécient. Et sans lire dans la boule de cristal, je prends les paris que j'aurais aussi eu quelque chose à vous raconter sur notre déménagement.

Mais je n'ai plus le temps, il faut savoir s'arrêter. Je garde mes photos et mes articles pour moi.

Un immense MERCI à tous ceux qui m'ont suivi depuis 6 ans. N'oubliez pas que ma première joie c'était d'écrire, mais ma deuxième c'était d'être lu.

Vous pouvez maintenant éteindre votre ordinateur et reprendre une vie normale.

C'est quand même une valeur qu'on regarde tous les matins, juste après la température : Je pense qu'il est temps que je vous fasse un point sur la pollution.
Et puis parce que ça vous touche maintenant, à Paris, dans une moindre mesure.

Tout d'abord, qu'est-ce qu'on mesure ? On mesure les particules en suspension dans l'air. Il y a celles de plus de 10 microns PM10, et celles de plus de 2.5 microns PM2.5. En France, on vous infantilise. C'est-à-dire qu'au lieu de vous donner le taux brut, genre 60 µg/m3 de PM2.5, on a défini des échelles sur 10, en vous disant : "Attention, 5 sur 10 demain à Paris." Sauf que si on avait fait pareil en Chine, en janvier 2013 on aurait eu 35 sur 10. Va comprendre l'intérêt.

Les PM10 sont celles qui font cracher et qui encombrent les poils du nez. Les PM2.5 incluent celles qui descendent dans les poumons.
En 2009, la Chine ne mesurait que le PM10, et l'ambassade des USA de Pékin a installé un capteur de PM2.5 sur son toit, avec l'immense toupet de diffuser les résultats sur sa page internet. Après avoir nié pendant deux ans, le gouvernement de Pékin a fini par prendre le taureau par les cornes, publie ses propres résultats de PM2.5 et cesse de minimiser l'ampleur du désastre. Cette politique s'inscrit dans une plus grande transparence vis à vis de l'environnement, on peut citer par exemple la reconnaissance officielle de l'expression "Villages du cancer".

On trouve maintenant des applis iPhone à foison, et la population chinoise elle-même en fait plus semblant que ça ne la concerne pas.
Notez d'ailleurs qu'il serait stupide de le nier, il suffit d'ouvrir les yeux. Quand la ville est noyée sous le gris et que ça se voit même par les images satellites...

Le premier pic qui nous a fait changer de regard date de Janvier 2013, la veille de la naissance de Gabriel. Le taux de PM2.5 est monté à 850, mais depuis Harbin a dépassé les 1000, et même Lhasa est montée à plus de 500 malgré son altitude, ce qui a fait dire aux esprits cyniques : "Ca y est, le Tibet est complètement devenu Chinois".

Vous noterez que l'Inde est dans le même cas depuis plus de 10 ans, et qu’on peut commencer à voir des effets sur les enfants (mais c’est l’Inde, il y a tellement de paramètres que toute étude est sujette à caution).

Pour lutter contre la pollution, il y a trois fronts : le premier c'est la protection individuelle. Nous avons acheté un purificateur d'air, c'est-à-dire un filtre avec un petit aspirateur qui fait passer l'air de la pièce et fini par l'assainir. On peut espérer diminuer par 2 le taux de particules dans une pièce avec un purificateur Blueair.
En écoutant les infos d'Airparif, nous avons décidé de le ramener en France.
L'école française a équipé toutes ses pièces d'un purificateur, et nos enfants ne jouent pas dans la cour les jours de pic de pollution.

Pour l'extérieur, nous mettons des masques sur nos nez. Il fallait bien faire un choix, nous estimons qu'au-delà de 300 il faut le mettre. Il n'en existe pas d'assez petit pour Gabriel, alors il sort aussi peu que possible de la maison ces jours-là. Louise et Laure ont un masque avec filtres remplaçables, et moi un large filtre. Notez bien que ce filtre ne supprime pas totalement le danger. D'abord, il y a des fuites (environ 80% d'efficacité), et puis il n'arrête que 95% des particules PM0.3. C'est quand même un premier rempart. (Par contre, pour les grippes HxNy, c'est des nanovirus. Le seul intérêt est d'éviter d'éternuer trop loin.)

Le deuxième front pour lutter contre la pollution, c'est d'agir contre la source de pollution. En janvier 2013, le premier décret pour lutter contre la pollution fut d'interdire les barbecues ! (heureusement qu'il y en a eu d'autres)

Sachant que la pollution vient à 70% des industries, mettre en place une circulation limitée 1 jour sur 5 n'agit que sur 6% du total. Mais bon, le diesel produisant les particules les plus fines, ça change le ratio des petites est grosses particules. En quelque sorte ça améliore la qualité de la pollution.

En revanche les contrôles dans les usines sont efficaces, entre les chaudières illégales, les filtres de cheminées oubliés... Sans oublier les autres rejets plus ou moins sauvages qu'on découvre en faisant ces visites et les "conseils" des autorités pour diminuer les consommations.
Dans notre usine, nous avons acheté une chaudière à gaz. Ca double notre coût d'énergie, mais je pourrais garder de mes années en Chine l'impression d'avoir réalisé une action positive à long terme pour la Chine et le reste du monde.

Enfin, la troisième façon de lutter contre la pollution est de la disperser. Observez sur cette courbe l'effet positif de la pluie sur le PM2.5.

Ca donne envie de faire pleuvoir à la demande. C'est d'ailleurs le cas, en pulvérisant des particules d'iodure d'argent dans les nuages à l'aide de roquettes, on peut lester les gouttelettes d'eau et faire pleuvoir (ou neiger). Mais ça ne suffit pas s'il n'y a pas de nuage d'eau. Après avoir tenté de trouver des aspirateurs à pollution, voir ce lien, Pékin tente de faire tomber les particules grâce à une technologie voisine de celle pour les nuages d'eau voir ce lien.

Dans tous les cas, ce ne sont pas des solutions viables, ça va déplacer le problème du ciel vers les eaux, mais ça c'est un autre problème dont je vous ai déjà un peu parlé.

EDIT DU 31 MARS.

Je ne voulais pas y revenir, mais quand on tombe sur des trucs aussi cyniques que :

"Riz garanti sans pollution", ça mérite le clin d’œil.

J'en profite pour vous montrer à quoi ressemble un matin à 450 en attendant le bus scolaire.

Désolé pour l'absence d'originalité du titre mais c'est simplement sincère, je vous souhaite une bonne année.

C'est cool, je n'ai jamais l'impression d'être en retard, je peux vous souhaiter une bonne année 3 fois, de début janvier à mi-février.

A l'heure où vous lisez ces lignes, nous sommes en Birmanie. Comme tous les chinois, nous profitons des jours fériés pour voyager, et comme tous les étrangers qui l'ont déjà vécu une fois, nous fuyons la nuit de feux d'artifice du nouvel an chinois.

En même temps cette année étant très fortement marquée par la pollution, les pétards ne devraient pas être aussi nombreux que les années précédentes. On a vu fleurir des affiches incitant les gens à modérer leurs ardeurs.

Mais vu le prix des boîtes de feux d'artifice, je pense aussi que ça va en calmer plus d'un. 300, 500 ou 800 RMB selon la taille. Je n'imagine pas quelqu'un qui préfère rentrer dans sa province en 30h de train pour 900 RMB plutôt qu'en 2h d'avion pour 3300 RMB choisisse d'acheter 3 boîtes de pétard avec la différence...

Selon mon observation de l'an dernier, les plus acharnés étaient les gardiens, j'en déduis que les feux d'artifice ont été achetées par le management de chaque résidence (mais peut-être me trompé-je).

Si les pétards sont si chers, c'est un peu à cause des dizaines de morts chaque année. Boom, oh mon bras ! Boom, oh la plaque d'égout qui se soulève en arrachant une tête ! Boom, on la belle (giclée) rouge ! Bref, les contrôles de fabrication ont été sacrément renforcés, seuls les revendeurs officiels peuvent approvisionner. D'ailleurs voici une autre affiche moins gore que ma description mais qui dit exactement pareil : il manque un bras aux marionnettes.

Je ne vous raconterai pas le nouvel an chinois, mais je vous raconterai bien évidement la Birmanie ici même.

Il faut que je vous donne quelques nouvelles avant de partir :

Gabriel apprend toujours à marcher (le problème d'écrire en prévisionnel c'est que je ne sais pas encore s'il marchera le 2 février), et ça se voit.

*La trace sur la droite de son front, c'est quand il marche trop vite à quatre pattes et que ses mains s'écartent : plaf la crèpe !

*La trace sur le milieu du front, c'est quand il avance en ligne droite et se prend un pied de chaise.

*La trace (la plus récente, elle est encore rouge) sur la gauche de son front, c'est quand il est debout à côté de la table basse et perd l'équilibre.

*Le rouge sur les joues, rien à voir : c'est les molaires !

Un extrait de film a été tourné au pied de notre immeuble !

Une trentaine de personnes ont été mobilisées un soir devant la porte de notre immeuble. Projo-lumières dont un sur plate-forme à 3m du sol, plusieurs caméras professionnelles, j'en ai compté au moins 3, les inévitables sièges de réalisateur, et bien sûr l'actrice !!!

qui se change ici entre les boîtes aux lettres de l'entrée de l'immeuble, pour pouvoir sortir en courant sous les caméras, et COUPEZ, on la garde !
Je pense que le montage va apporter beaucoup à cette séance.

http://www.youtube.com/watch?v=Ynutg15S8SY

Louise avec son accent Chinois, quand elle nous parle de la fête de RrrHalloween, avec sa maîtresse d'Anglais RrrHolly.

La nounou a emmené les enfants au parc l'après-midi, pour jouer avec d'autres petits monstres.

Quant à moi, samedi, j'ai sorti le déguisement de pollution. J'ai décidé que nous allons arrêter d'user nos poumons. J'ai lu que les habitants au nord du fleuve jaune, du côté où le chauffage est autorisé du 15 novembre au 15 mars, ont une espérance de vie inférieure de 5 ans à ceux du sud du fleuve, qui n'ont pas le droit au chauffage.

Je ne sais pas ce qui vaut mieux, avoir froid ou respirer, mais pour l'année qui nous reste, j'ai acheté des masques.