Le blog de laurebertrand

J'allais juste vous parler de ma soupe, et puis je me suis dit qu'il fallait remonter un peu dans le temps, et puis encore un peu, et me voilà vous parler du communisme... tant pis, allons-y.

Il y a 30 ans environ, avant les réformes de Deng Xiaoping, les chinois travaillant dans les usines n'avaient pas de salaire, mais un logement pour toute la famille, 3 tenues par an, tous les repas servis, et demandaient à leur patron l'autorisation d'acheter un vélo sous forme d'un bon de transfert.

Lorsque les réformes et en particulier la liberté de s'enrichir ont été mises en place, de 79 à 89, les entreprises ont progressivement donné un salaire à leurs ouvriers. La grande force de la Chine a été de ne pas supprimer les avantages en nature, contrairement à la Russie par exemple, mais de faire un glissement progressif. Si bien que la grande majorité des Chinois est persuadée de vivre dans un modèle économique communiste "qui a réussi".

"Et alors ?" me direz-vous, "quel rapport avec la soupe ?". J'y viens. Parlons d'abord des trois tenues par an. Une entreprise étrangère débarquant en Chine n'ayant pas assimilé cet historique ne comprend pas le culte de l'uniforme, ne comprend pas que les ouvriers ne rendent pas leur tenue de travail lorsqu'ils démissionnent, ne comprend pas qu'offrir une cantine est obligatoire et surtout qu'elle doit être gratuite.

Notre entreprise l'a compris récemment et propose maintenant une cantine. On y mange des plats chinois. Une grosse part de riz blanc chaque jour. Oui, chaque jour, le riz est la base de toute alimentation. Le mot "Repas" n'existe pas. On dit "Riz" - "As-tu mangé ton riz ce midi ?".

Pour la boisson, un bol d'eau chaude avec des trucs dedans. Un gruau de maïs, de pois cassés, d'oeuf pochés... Ou de riz ! Et là c'est marrant, du riz au riz.

Voilà enfin la soupe, la soupe de riz.Par ici la bonne soussoupe.

Il est temps que je vous parle d'une des difficultés principales auxquelles je suis confronté dans mon métier, c'est cette notion de standard.

En France, il semble tellement évident de dire à son magasinier : "Va me chercher des vis M6-tête H et la clé plate de 10 qui va avec" ou encore "Je passe commande pour des raccords DN65"... je vois à vos yeux que ce n'est pas parlant pour tout le monde, alors je vais vous trouver encore un exemple : "Achète-moi une ramette de feuilles blanches A4".

Sauf qu'en Chine, le mec m'a ramassé dans le fond de sa sacoche une poignée disparate de vis cruciformes à bois, à viser avec un coin de spatule, et il m'a dit que ça tenait, parce qu'il a enroulé un morceau de scotch autour du filet de vis. Authentique, je n'aurais jamais osé inventer un truc pareil !
Pour le raccord, mon technicien (pas le même) a préféré aller chercher un poste à souder, et pour le papier, tant que ça rentre dans l'imprimante... Nous avons bataillé pour que nos fournitures de bureau soient achetées sur catalogue, ne serait-ce que pour avoir des contrats de travail imprimés sans brouillon au verso (!)

Mais pourquoi c'est comme ça ? Je vois environ trois raisons. La première, je l'ai déjà évoquée dans le blog, c'est l'absence totale de formation du personnel. N'y voyez pas de jugement de valeur, ces gens ne sont pas bêtes, ils sont juste incroyablement non-instruits, même pas un début. Le contexte historique est très important. Ce phénomène conduit à l'absence d'anticipation, de projection dans l'avenir : si le truc tient maintenant, c'est bien. Si ça se décroche demain, et bien on refera. C'est à cause de ça aussi qu'on répare les gonds de porte avec du scotch (j'ai même vu scotcher une horloge au mur !). Le corollaire peut s'énoncer ainsi : "Si tu veux du travail pour demain, travaille comme un con aujourd'hui."

Regardez bien cette photo, la société est en train de fixer les détecteurs de fumée au plafond. C'est joli ces tuyaux pour passer les câbles, non ? Ca donne un style art moderne au bureau.

Vous allez m'objecter que ça ne répond pas exactement à la question de l'absence de standard, mais quand même un peu. Les Normes Françaises ne sont pas inventées de toutes pièces, dans la plupart des cas il s'agit d'une formalisation des standards de fait, qui ont été validés par les pratiques des techniciens compétents.

Encore une fois, faites bien attention de ne pas me prêter des sentiments que je n'ai pas. On trouve aussi de très bons techniciens chinois, notamment parmi les plus jeunes et ceux qui ont suivi des cours du soir. Le tout, c'est de savoir les trouver.

Passons maintenant à la deuxième raison qui, cette fois, est à l'honneur de la Chine. Ici, c'est l'usine du monde. La chine est devenue en 2009 le premier pays exportateur mondial. Or, dans le monde, les normes ne sont pas compatibles. Mon technicien n'avait pas de raccord DN65, mais il avait du JIC37, du NPT, du BSP... Et bien oui, on utilise ce qu'on fabrique. Voici une magnifique illustration de ce que je dis, la boîte de coca fait 330ml, c'est-à-dire aux arrondis près 1/3 de litre, la boîte de Watson's soda water (équivalent HongKongais du Perrier) fait 345ml, c'est-à-dire 11,5 Oz (Fluid Ounces) aux Etats-Unis, je cherche encore à comprendre pourquoi, mais en tous cas, ça n'aide pas à se fabriquer des standards de fait en Chine. D'ailleurs, que quelqu'un m'explique aussi pourquoi le pouce anglais n'est pas le même que le pouce américain.

Enfin, la dernière raison à mes yeux qui justifie la difficulté de trouver des standards en Chine, c'est la contrefaçon. Je ne vais pas faire un cours sur la contrefaçon, vous savez tous qu'on trouve des sacs "Vouis Luitton" et des Lunettes "Laposte" dans les marchés noirs, de plus ou moins belles réussites d'ailleurs. Ce qui est valable pour les produits de luxe simples s'applique aussi aux produits manufacturés. Je vais vous faire rire avec l'oPhone, l'hiPhone, l'ePhone (qui a un stylet), l'uPhone, et enfin mon préféré l'aPhone, pas pratique pour appeler. (Cherchez dans Google Images, ils existent tous).

aPhone

Mais bon, dans les exemples que je viens de citer, c'est de la fausse contrefaçon, une sorte d'hommage de la part de ceux qui n'ont pas les moyens. Les problèmes surviennent quand rien ne distingue en apparence l'original de la copie. Le seul intérêt de la copie, dans ce cas, est d'être moins cher. Comment ? en mettant du matériel de mauvaise qualité. Et là, on se retrouve avec de gros problèmes. Un faux ordinateur peut être très lent, ne pas avoir toutes les fonctions ; un faux vêtement n'a pas la qualité, la douceur, rétréci au lavage... Et surtout une fausse machine n'a pas la sécurité. Imaginez une fausse perceuse Bosch qui prend feu, une durite de voiture qui explose, un micro-onde qui n'est pas étanche. Et je terminerai par là, je cherche à acheter un tuyau flexible pour faire passer de l'eau chaude à 4 bars, je n'ai pas confiance dans ce qu'on me propose, j'ai peur d'ébouillanter quelques ouvriers de l'atelier. Si le tuyau pète ou bien qu'il soit fixé sur la bride avec un circlips. Une seule solution, aller chez le fournisseur faire un audit. Pour un simple tuyau d'eau chaude, quelle perte de temps, mais c'est indispensable, et ça ne choque que moi.

Si un jour j'ai pu penser que je n'aurai plus rien de neuf à vous dire sur ce blog, je me trompais lourdement. Il y a toujours un truc neuf, un truc surprenant, décalé ou hors norme dont je veux vous faire profiter.

Aujourd'hui, un peu plus léger que l'économie européenne et les tensions internationales : les bagnoles !

Les chinois en sont fous, ils la font laver tous les jours, la réparent au moindre accrochage de carrosserie... mais d'un autre côté ils démarrent en 3ième et freinent au frein à main !

Aujourd'hui, je voulais vous montrer la voiture de Clark Kent.

Quand j'ai vu ça, je me suis précipité chez mon marchand d'accessoires pour voiture, celui chez qui j'ai acheté l'antenne de voiture à pointe lumineuse bleue et le volant à moumoute du desssin animé YangYang et j'ai demandé s'il avait les mêmes. Manque de bol, il n'avait plus que le modèle napperon. J'ai hésité à les prendre pour ma belle-mère, mais il ne pouvait pas garantir l'installation à domicile.

Par contre, j'ai pu prendre la plaque d'immatriculation illustrée, et j'ai fait insérer des led clignotantes sur la grille du radiateur.

Bon, heureusement que je délire, je n'ai même pas encore trouvé le temps d'aller faire ajouter l'ouverture centralisée...

La fois prochaine, promis, une belle série de photos de Louise. Bon week-end.

Depuis notre retour à Pékin, les affaires reprennent. Au cours de notre temps de vacances nous avons eu beaucoup de questions sur la vie qu'on mène (là-bas) ici. Alors voici venu le temps d'une petite explication culturelle et familiale : les vieux ! Première information, les chinois vivent longtemps. Plusieurs facteurs jouent, dont le premier est sans conteste l'alimentation. Avec un régime alimentaire dans lequel le sucré est quasi absent, mais sans carence, il y a longtemps qu'il n'y a plus de famine en Chine. Même dans les campagnes les plus reculées, on ne mange plus les chats.

Le deuxième facteur qui joue sur la longévité est l'activité physique régulière. Il faut que je vous montre cette photo prise à Xi'An, mais qui aurait pu être prise à 200m de notre appartement, les vieux font du sport.

J'en profite pour glisser un mot sur le sport à la chinoise, il n'y a pas de club de sport. On joue dans les parcs, on amène son ballon et son partenaire, son cerf-volant ou sa raquette, on profite des infrastructures du quartier, mais on ne va pas dans un club. Moi qui pensais que Chine rimait avec badminton, perdu ! Et même si je trouvais un partenaire, jouer en plein vent, sans terrain ni filet, c'est de la baballe... Ceux qui ont gagné aux JO sont en sport-étude depuis leur enfance. Mais je m'égare. Je disais donc que les chinois font des activités de plein air, y compris au milieu de la route, seul ou en groupe, sans complexe, et que ça entretient la forme.

Je vous parle un peu de l'âge de la retraite, vous allez rire jaune... le standard gouvernemental est de 15 années de cotisation, soit un départ en retraite vers 35 ans pour les plus pauvres. Bien sur, avec ça, c'est une retraite de misère. Personne ne part à cet âge là, c'est juste qu'au-delà, il faut payer soi-même sa sécurité sociale ou s'en passer. Pour les personnes diplômées, c'est souvent l'entreprise qui paye le complément, il n'y a donc aucun départ obligatoire, nous avons licencié (retraite forcée) un papy de 82 ans l'an dernier, mais il paraît qu'il se serait fait embaucher ailleurs après.

Vous avez vu le film Tanguy ? Ce brave garçon, tout imprégné de la culture chinoise, ne comprend pas pourquoi il ne devrait plus vivre avec ses parents. En fait ce n'est pas tout à fait exact. Les enfants quittent la maison familiale pour faire des études, se marier. Là, si l'un ou l'autre des époux travaille un peu loin, il se prend un appart de 10m2, et rentre à la maison aux trois fêtes annuelles, ou les week-ends s'il a de la chance. Et donc il est logique que l'autre époux habite dans la maison familiale. Ensuite, selon le métier de la maman, le couple choisi de faire son enfant unique à la période la plus propice. Je laisserai Laurette vous parler des congés maternités, il y a à dire aussi.
Lorsque l'enfant nait, la maman retourne au boulot, et laisse son bébé avec la famille. Nous avons une collègue qui a une fille de 3 ans, qu'elle voit presque chaque week-end, et qui habite avec le papa et les parents du papa à Tianjin. Nous avons une autre collègue qui a la chance d'avoir son mari, ses beaux-parents et ses parents à Pékin. Ils ont donc chacun leur habitation, mais il y a en permanence avec l'enfant soit sa mère, soit sa grand-mère maternelle, soit sa grand-mère paternelle. Et pourtant ils ont une Ayi, mais elle n'est jamais seule. Et cette collègue dit que quand elle sera vieille, elle s'occupera de ses petits enfants.

Par contre, le papa n'est pas exactement dans les mêmes conditions que la maman. Là aussi c'est culturel, quand un homme se marie il doit déjà avoir une situation professionnelle et subvenir aux besoins de sa famille. C'est donc normal de voir des hommes de 40-50 ans épouser une jeunette et devenir papa.

Je crois que j'ai tout dit sur les vieux, la prochaine fois je vous parlerai des enfants, la génération des enfants rois qui remet en cause tout ce que je viens de dire.

Car comme dit la pendule d'argent...

En Chine, les véhicules ne changent pas de plaque quand ils changent de propriétaire, (sauf s'il change de région, à cause du 京 qui précède le numéro, mais c'est aussi rare que d'acheter une voiture avec plaque allemande en France). Il est donc d'usage, particulièrement sur les camions, d'écrire le numéro d'immatriculation à la peinture sur le cul du camion. Voici un exemple pris au hasard sur la route pour illustrer mon propos. Notez au passage la voiture qui double par la droite. Diantre, que ça va être dur de se réhabituer à la conduite à la Française à notre retour !

J'ai pris cette deuxième photo en vitesse, il faut m'excuser si elle est floue mais c'est pas simple de conduire en prenant une photo. Juste pour que vous puissiez profiter des piles de plaque de polystyrène et surtout, regardez bien (plissez les yeux pour mieux voir), le numéro d'immatriculation est ré-écrit au marqueur sur la tranche des plaques :-D